Le cinéma, ça coûte de l’argent et du temps. Il est donc important de faire parfois le tri dans ce qui sort en salles. Au programme de cette semaine, un tout frais Grand Prix de Deauville, un revenge movie par le réalisateur de Taken pour paraphraser le marketing du film, un thriller 2.0 et les premiers pas au cinéma de l’amoureux des doubles vasques.
1- Thunder road, un film de et avec Jim Cummings (Comédie dramatique, USA, 1h31)
Pourquoi il faut y aller ?
Pour découvrir la performance XXL de Jim Cummings dans un triple effort impressionnant (réalisateur, scénariste et acteur principal), qui plus est pour son premier long-métrage. Donnant du corps à ce qui était au début que le prolongement d’un excellent court-métrage, le jeune comédien porte littéralement le film sur ses épaules. En père divorcé se battant pour la garde de sa fille et vivant très mal le décès de sa mère, Cummings est capable en quelques instants de vous faire passer à de francs sourires à une gorge nouée par l’empathie que l’on a pour ce looser aussi attachant qu’irritant. Un numéro d’équilibriste que l’acteur tient jusqu’au bout grâce aussi à un sens de la mise en scène fait de longs plans séquences qui démontre que le bonhomme a une maîtrise de son art que l’on a hâte de revoir. On comprend que le jury du festival de Deauville lui ait remis samedi dernier le Grand Prix 2018.
Pourquoi il ne faut pas y aller ?
Malgré l’enthousiasme et le tour de force de son comédien principal, Thunder road a une légère tendance à tourner en rond. Une fois le mécanisme installé qui fait passer son flic au grand cœur par tous les états et le spectateur avec, on se rend compte que le film n’évolue pas beaucoup. La profusion des mots, Jimmy Arnaud étant un incroyable moulin à paroles, pourra vite rebuter ceux qui apprécient avant tout les œuvres plus visuelles.
2- Peppermind, un film de Pierre Morel avec Jennifer Garner (Action, USA, 1h42)
Pourquoi il faut y aller ?
Après avoir terriblement déçu avec Gunman, Pierre Morel rappelle en grande partie avec ce Peppermint qu’il est le réalisateur de la meilleure production Besson à date. Ceux qui avaient aimé son Taken seront ici en terrain connu et conquis. Avec la grande aide de Jennifer Garner, que l’on est ravi de revoir en action woman convaincante comme du temps d’Alias, Morel signe une série B très efficace qui élude les passages obligés (l’entraînement attendu transformant la mère de famille en tueuse implacable passe fort judicieusement à l’as) pour se consacrer à l’essentiel. Revenge movie bien plus stimulant que l’atroce Death wish avec Bruce Willis, Peppermint exploite à merveille un budget tenu pour Hollywood notamment grâce à une direction artistique sachant joliment mettre en avant les extérieurs de Los Angeles. Toujours très à son aise quand il s’agit de chorégraphier l’action avec un montage jouant la carte d’une totale lisibilité, Morel signe une version féminine du Punisher des plus recommandables. Non sans avoir su créer une certaine émotion grâce à la performance très impressionnante de sa star qu’on espère revoir plus souvent dans tels univers.
Pourquoi il ne faut pas y aller ?
Le revenge movie est un genre particulièrement casse-gueule qui demande un dosage des plus complexes. Peppermint souffre parfois d’avoir le cul entre deux chaises n’étant pas assez bourrin et fun pour être cet authentique film d’action à la mode Commando de Mark Lester ou au contraire n’étant pas suffisamment sérieux et profond pour se rapprocher d’un Death sentence, la référence récente du genre.
3- Searching, un film de Aneesh Chaganty avec John Cho (Thriller, USA, 1h41)
Pourquoi il faut y aller ?
Un thriller 2.0 qui utilise à plein régime les codes narratifs des réseaux sociaux. On l’avait déjà vu notamment en mode film d’horreur dans le mauvais Unfriended. Le réalisateur, Anessh Chaganty qui a longtemps bossé pour Google, utilise de manière très réaliste les modes de narration qu’offre ces nouveaux médias de communication. Tout d’abord pour nous plonger dans l’intimité d’une famille qui vit un double drame (décès de la mère puis disparation de la fille) pour ensuite s’embarquer dans une enquête policière de plus en plus opaque. Multipliant les astuces visuelles, jonglant habillement avec les différents supports et bien épaulé par John Cho, Chaganty mène son récit à peu près à bon port et sera séduire les amateurs de thriller à rebondissements.
Pourquoi il ne faut pas y aller ?
A trop vouloir en rajouter une couche, le réalisateur prend le risque de perdre une partie de son public qui abdiquera devant une intrigue qui multiplie jusqu’à l’outrance les coups de théâtre. Sans parler que le procédé narratif (on rappelle que tous les plans du film proviennent des différents moyens de communication à notre disposition : facebook, skype, twitter,…) empêche le film d’être autre chose qu’un tour de force technique. D’autant plus que l’aspect réflexion sur notre consommation quotidienne d’images et de sons est trop vite noyée par un récit qui décide de jouer la carte du thriller sans la moindre once de subtilité.
4- J’ai perdu Albert, un film de Didier Van Cauwelaert avec Julie Ferrier et Stéphane Plaza (Comédie, France, 1h40)
Pourquoi il faut y aller ?
Vous êtes à jour sur toutes les émissions de Stéphane Plaza, vous avez regardé en boucle tous les replays possibles. Bref, l’agent immobilier le plus connu de France vous manque. Sa prestation au cinéma, une grande première, sera vous séduire tant le bonhomme s’en sort avec les honneurs. Et pourtant le scénario et son réalisateur n’ont rien fait pour l’aider.
Pourquoi il ne faut pas y aller ?
Une histoire abracadabrante prétexte à une enfilade de situations comiques ou mièvres particulièrement embarrassantes. Un duo de comédiens vedette que l’on aurait plutôt vu en (excellents) seconds rôles. Une mise en scène sans aucune originalité ni style. J’ai perdu Albert a avant tout perdu la recette du film de cinéma. Il n'est pas le seul dans le genre en France et malheureusement, il ne sera pas le dernier.
Publié le 11/09/2018 par Laurent Pécha