Ce dossier faisant des parallèles avec Christine, si vous désirez garder la fraîcheur des événements relatés dans le film, nous vous conseillons de reporter la lecture après avoir découvert le long-métrage d’Antonio Campos. Il en va de même pour les œuvres citées dans ce classement, le sort de l'intrigue étant parfois évoquée. Vous êtes prévenus, bonne lecture !
10- Series 7 : the contenders (2001) de Daniel Minahan
Le film le moins connu de notre classement. Inédit en France, découvert au festival de Deauville en 2001, il s’agit de l’unique long-métrage d’un réalisateur devenu spécialiste de séries télé (Grey's Anatomy, True Blood, Game of thrones, House of cards). A l’instar de deux autres films présents dans notre classement, on y retrouve une télévision voyeuse et racoleuse qui organise un jeu où des gens choisis au hasard se voient donner une arme à feu avec l’objectif d’être le premier à tuer les autres candidats. Tourné en mode low budget, en vidéo, Series 7 : the contenders multiplie les séquences chocs, va jusqu’au bout de la noirceur de son sujet. Le pire dans tout ça, c’est que si on le découvre aujourd’hui au hasard d’une diffusion, on pourrait vraiment croire que l’on est face à un vrai jeu. Flippant !
9- Quiz show (1994) de Robert Redford
Coincé entre les deux plus gros succès du cinéaste Redford (Et au milieu coule un rivière et L’Homme qui murmurait à l’oreille des chevaux), Quiz show n’a jamais eu l’éclairage qu’il méritait. En le revoyant, on est frappé de l’acuité avec lequel Redford montre, en s’inspirant d’une histoire vraie (celle d’un jeu télévisé populaire truqué qui choisissait son vainqueur car il plaisait plus aux foules), à quel point la télévision n’a pas mis longtemps à manipuler les foules et à être tentée de faire le spectacle pour gonfler son audimat. Sans jamais grossir le trait, peut être à tort pour certains qui y ont vu un récit trop académique, le réalisateur parvient avec un certain brio à jouer la carte du divertissement miroir de notre société actuelle. Ou alors, tout simplement, Quiz show a une résonance plus forte aujourd’hui qu’il y a vingt ans.
8- Running man (1987) de Paul Michael Glaser
Version américaine non officielle d’un petit classique du cinéma de genre français, Le Prix du danger, le film de Starsky est avant tout un véhicule pour un Schwarzenegger dont la carrière est alors en plein essor. Déjà passablement kitsch à l’époque, Running man a pris un sérieux coup de vieux et on s’amuse plus de lui qu’avec lui. Pour autant, la charge sur la télévision spectacle est bel et bien là et rappelle aux plus vieux d’entre nous les vestiges de la Cinq de Berlusconi. Il ne faut pas non plus chercher bien loin l’inspiration pour la saga Hunger games.
7- Prête à tout (1995) de Gus Van Sant
Suzanne Stone, c’est un peu comme si Christine Chubbuck avait troqué son état dépressif contre un désir d’arriviste sans faille. A une époque où il n’avait pas encore connu un gros succès populaire (Will Hunting) ou la consécration à Cannes (Palme d’Or avec Elephant en 2003), Gus Van Sant nous montrait Nicole Kidman sous un autre jour. Parfaite dans son interprétation de la jeune femme prête à tout pour passer à l’antenne, la comédienne est le maillon fort d’une jubilatoire comédie noire prônant les dangers et dérives de la célébrité à tout prix.
6- La mort en direct (1980) de Bertrand Tavernier
Un film qui aurait pu être le titre de Christine. Ce qui était une œuvre de science-fiction (une télé greffe une caméra dans l’œil d’un homme pour qu’il filme une jeune femme mourante à son insu) paraît de nos jours presque juste réaliste. Toujours étonnant de voir à quel point Tavernier avait cerné avec une telle justesse les dérives en devenir de la télévision spectacle. A la différence qu’ici le cinéaste se montre d’une pudeur incroyable notamment dans les ultimes et tragiques moments de son récit. Et ça, aujourd’hui, dans le poste de télé, c’est bien de la SF !
5- The Truman show (1998) de Peter Weir
Juste avant l’émergence de Big Brother et ses nombreux dérivés (Loft story, Star academy, Secret story,…), l’auteur du Cercle des poètes disparus nous apportait déjà un avant-goût de la lobotomisation par le biais de la télévision et mettait en avant notre goût immodéré pour le voyeurisme le plus vil. En regardant cette satire très amusante avec un Jim Carrey au sommet de son art, on en oublierait presque qu’avec les moyens de communication actuels, on est à deux doigts de vivre la même expérience que Truman. Il paraît qu’il vaut mieux toujours en rire. Pas sûr !
4- Night call (2014) de Dan Gilroy
La course au sensationnalisme atteint ici son paroxysme. Ce que Christine Chubbuck chercha à dénoncer dans son acte fatal en direct est parfaitement mis en images par Dan Gilroy et trouve en Jake Gyllenhaal une incarnation fascinante. En junkie de l’image qui choque, le comédien livre une prestation qui fait froid dans le dos. Sans doute aussi parce que les auteurs du film parviennent à créer une réelle empathie pour un « héros » au comportement abject. On n’a plus qu’à se répéter que ce n’est que du cinéma pour tenter de s’acheter une conscience et dormir tranquille.
3- Le prix du danger (1982) d’Yves Boisset
Diffusé dans l’émission culte, Les Dossiers de l’écran en février 1987 à l’occasion du thème « Quelle télévision pour demain ? », le film d’Yves Boisset n’a pas son pareil pour mêler adroitement film de pur divertissement (Gérard « action man » Lanvin, parviendra-t-il à échapper au cours d’un jeu télévisé à un groupe d’individus payés pour le tuer ?) et réflexion prophétique sur l’avenir d’une télévision toute entière tournée vers le spectacle et l’audimat. Dans le rôle du pape de la messe médiatique, Michel Piccoli impressionne et livre une performance haute en couleurs inoubliable, sans équivalent depuis dans la petite lucarne. Heureusement ?
2- Network : Main basse sur la télévision (1976) de Sidney Lumet
Avant Christine, il y a eu Network pour nous rappeler que la télévision peut tuer. C’est paradoxalement en s’inspirant de la tragédie de Christine Chubbuck que Sidney Lumet a eu l’idée de faire le film. Le prolifique réalisateur de Douze hommes en colère, a toujours glissé dans ses œuvres une portée politique ou sociale forte au point de se faire taxer d’artiste moraliste. Bien lui en a pris tant il a souvent fait preuve de garde-fou salvateur contre les dérives de notre société. Et avec Network où il décrit la folle course à l’audience au sein d’une chaîne de télévision au mépris de toute notion de déontologie, il annonce de manière spectaculaire ce qu’allait devenir la télévision de demain.
Ironie du sort pour Peter Finch sacrifié dans les ultimes minutes du film, il remporta l’Oscar du meilleur acteur…à titre posthume.
1- Videodrome (1983) de David Cronenberg
« Longue vie à la nouvelle chair ». La tirade finale de James Woods qui précède son geste fatal a marqué indélébilement tous ses spectateurs. Une séquence choc pour un des films prophétiques les plus incroyables que le cinéma ait jamais enfanté. Au sommet de son art (déjà), David Cronenberg parvient à synthétiser dans un récit complètement dingue (un homme s’enfonce une cassette VHS dans le ventre !) toute l’attirance et le dégoût que l’on peut avoir pour une télévision prête à tout pour aliéner les masses. Une des œuvres les plus puissamment dérangeantes du monde.
Publié le 14/02/2018 par Laurent Pécha