Tomb Raider de Roar Uthaug avec Alicia Vikander, Dominic West, Walton Goggins, Daniel Wu, Kristin Scott Thomas (Action, USA, 1h58)
Pourquoi il faut y aller ?
Pas montré à la presse (ou à quelques happy few partenaires du film), Tomb Raider faisait bien peur. Il faut dire qu’outre les deux mauvais films précédents avec Angelina Jolie, les adaptations cinématographiques de jeux vidéo sont toujours catastrophiques. A commencer par le récent et atroce Assassin’s creed. On le nomme spécifiquement car son acteur principal n’était autre que Michael Fassbinder, aka Monsieur Lara Croft 2018 à la ville. Et on imagine bien désormais madame fanfaronner à table et s’enorgueillir d’avoir joué, elle, dans un film tout à fait regardable à défaut d’être totalement recommandable. Tel une tagline que le marketing de Warner aurait pu utiliser, on a presque envie d’écrire : Tomb Raider est la meilleure adaptation live de jeu vidéo à date. Ok, la concurrence est quasi inexistante (la première demi-heure de Resident Evil nous revient en mémoire).
Le scénario de ce reboot est des plus classiques : une énième origin story à la mode super-héros avec trauma à surpasser, quête d’une vérité et acceptation de son statut (pour la partie noble du métrage) entrecoupée de grosses séquences d’action (pour rappeler qu’on est quand même là pour voir du spectacle). Mais les producteurs du film ont un sacré atout en poche : Alicia Vikander, actrice extrêmement talentueuse (Oscar de la meilleure actrice pour Danish Girl en 2016) qui permet à la partie très classique, voire convenue (celle des dialogues) de tenir à peu près la route en attendant que la partie jeu vidéo live prenne le relais. Et de ce côté-ci, Roar Uthaug confirme ce qu’avait laissé espérer ses précédents films Cold Prey et The Wave. Le réalisateur norvégien sait emballer l’action tout en possédant un sens de l’espace salvateur pour nous offrir des séquences faisant joliment référence à certains moments phares du jeu vidéo (dans ses versions récentes). Quand l’action s’emballe, on ne s’ennuie vraiment pas d’autant plus que les effets spéciaux tiennent bien la route et rendent « crédibles » les acrobaties impressionnantes de Lara Croft.
On ne peut que vivement conseiller d’aller découvrir le film dans une salle 4DX (lire notre dossier sur ce procédé très fête foraine). A défaut de vous retrouver avec une manette de jeu en mains, vous aurez la sensation d’être Lara Croft. Un conseil, amenez un k-way !
Pourquoi il ne faut pas y aller ?
Cela a beau être nettement supérieur à la totalité des adaptations précédentes de jeux vidéo, cela reste très fragile pour quiconque a des exigences cinématographiques quelque peu élevées. Le film donne l’impression d’avoir une vingtaine d’années de retard et quiconque a pu voir les plus grands films d’action tournés depuis, restera de marbre devant le spectacle proposé. Surtout que finalement, les séquences mouvementées ne sont pas si nombreuses. En gros, entre les bandes-annonces et les extraits à gogo pour promouvoir la sortie, vous avez presque déjà tout vu ou du moins en partie. Ce qui fait qu’on a un peu l’impression d’être au niveau débutant du jeu vidéo alors qu'eu égard à l’attente de voir enfin un bon Tomb Raider à l’écran, on espérait être directement en mode expert avec vie illimitée. Pour cela, il faudra attendre le numéro 2 efficacement annoncé en fin de parcours.
Tout ceci est d’autant plus frustrant que la partie calme du film est particulièrement insipide. Si Lara Croft bénéficie d’un traitement scénaristique qui tient la route à défaut d’être surprenant, les personnages qui gravitent dans son univers doivent se contenter du strict minimum et tant pis s’ils sont incarnés par des comédiens chevronnés (Walton Goggins en bad guy, ça le fait toujours même s’il n’est là que pour rappeler inlassablement les enjeux de l’intrigue). Avec ses tunnels de dialogues explicatifs, le film donne ainsi plus d’une fois l’impression d’être un assemblage de longues cinématiques entrecoupé de scènes d’action où Lara Croft peut prouver ses capacités physiques et intellectuelles. Il faut se faire une évidence : Lara Croft au cinéma n'est pas du tout encore prête à faire de l'ombre à son modèle vidéoludique.
Enfin, si on a conseillé de découvrir pour vraiment s’amuser le film en 4DX, on n’aura pas du tout le même enthousiasme sur la 3D qui n’est jamais exploitée comme elle aurait pu l’être. C'est souvent le cas dans les films post-convertis en 3D mais cela l'est peut être encore plus ici.
Ghostland de Pascal Laugier avec Crystal Reed, Emilia Jones, Anastasia Phillips, Taylor Hickson, Mylène Farmer (Horreur, France, 89 min)
Pourquoi il faut y aller ?
Le moins que l’on puisse dire avec le trop rare Pascal Laugier (4 films en 14 ans), c’est qu’il ne laisse jamais indifférent. Après des débuts prometteurs (notamment en termes de style et d’ambiance) avec Saint Ange, il avait plus que divisé son monde avec Martyrs, œuvre pour le moins jusqu’au-boutiste qui nous avait profondément déplus, notamment dans une deuxième partie où le cinéaste semblait se complaire dans une provocation gratuite et un message lourdement appuyé. En partant de l’autre côté de l’Atlantique avec The Secret et sa star américaine, Jessica Biel, Laugier réalisait son meilleur film à date avec un hommage appuyé et sincère à l’univers de Stephen King tout en gardant ce petit plus de provocation qui se transformait en une vraie réflexion à l’image d’un final particulièrement troublant questionnant notre regard sur le monde.
Avec Ghostland, le cinéaste qui avait voulu à l’époque éviter de faire le Martyrs 2 que tout le monde lui demandait, semble revenir sur les traces du film choc qui l’a fait connaître internationalement. On y retrouve en effet cette espèce de cauchemar éveillé physiquement et moralement éprouvant où l’on assiste impuissant au calvaire d’une famille et notamment deux jeunes sœurs qui vont subir les pires souffrances. On s’arrêtera là pour ne pas trop spoiler un récit qui garde cette fois-ci une vraie efficacité narrative, « à l’américaine » serait-on tenté de dire. Jouant à fond la carte des clichés du film d’horreur mais en les tordant à sa sauce bien particulière, Laugier revisite sans cesse des figures bien connues du genre et parvient constamment à proposer une imagerie singulière. Ses jump scares à gogo, ses multiples twists, ses décors gothiques, ses méchants, on a l’impression de les avoir déjà vu mille fois mais jamais comme ça.
Porté par des comédiennes sensationnelles qui donnent tout (au passage, Mylène Farmer est comme un poisson dans l’eau dans l’univers du réalisateur), Ghostland fait figure de rollercoaster horrifique ultime, de ceux que l’on n’est pas prêt d’oublier en sortant de la projection. Et dans ces derniers instants, il se transforme même au détour d’une phrase sublime en profession de foi bouleversante d’un cinéaste à la sincérité désarmante.
Pourquoi il ne faut pas y aller ?
Qu’on aime ou déteste Ghostland, l’expérience vaut le détour. A l’heure où le cinéma horrifique ne propose que trop souvent des œuvres totalement oubliables et interchangeables, c’est forcément excitant de se retrouver face à une vraie proposition de cinéma. Ceci étant dit, il faudra quand même avoir le cœur bien accroché car certaines séquences sont à la limite du supportable. Certes, Laugier joue à l’équilibriste et s’arrête toujours au bon moment pour éviter une surenchère qui serait totalement putassière mais les plus sensibles des spectateurs risquent fort d’avoir rendu leur tablier bien avant. L’avantage, le film démarre très fort. Vous serez vite fixés de savoir si vous restez jusqu’au bout.
Hostiles de avec Christian Bale, Rosamund Pike, Wes Studi, Ben Foster, Rory Cochrane, Jesse Plemons , Stephen Lang, Timothée Chalamet (Western, USA, 2h14)
Pourquoi il faut y aller ?
Depuis plus de 30 ans, on nous dit que le western est mort. Certes, il se fait plus que rare mais de temps en temps, un réalisateur se prête au jeu et le résultat nous estomaque : Danse avec les loups, Impitoyable, Open range, True grit ou encore plus récemment Jane got a gun et Brimstone sans parler du crossover horrifique Bone Tomahawk. Il faudra désormais ajouter Hostiles à cette liste.
Après des débuts prometteurs avec Crazy heart (qui avait permis à Jeff Bridges de remporter l’Oscar du meilleur acteur), Scott Cooper se lance, pour son quatrième film, dans un genre avec lequel il avait flirter sur des biens aspects dans ses précédents travaux. Et on a d’emblée la sensation qu’il a fait ça toute sa vie. Chaque plan respire l’amour immodéré du western. Il suffit d’une fulgurante attaque d’indiens en introduction pour nous démontrer que l’homme derrière la caméra en connaît toutes les ficelles.
Avec une résonance moderne évidente (l’acceptation de la différence est le cœur même du film), le jeune réalisateur déploie le classique récit du groupe hétéroclite (un capitaine proche de la retraite est obligé d’amener un de ses pires ennemis indiens dans sa terre natale pour qu’il meurt en paix) mais s’efforce sans cesse de lui donner une dimension humaine absolument bouleversante. Constamment dépeint comme des êtres humains conscients de leurs erreurs passées (à ce titre, Rory Cochrane offre l’un des plus beaux seconds rôles vus depuis bien longtemps), les protagonistes de Hostiles concentrent une charge émotionnelle que la puissance de jeu des comédiens n’a de cesse d’amplifier. A ce titre le duo Christian Bale-Rosamund Pike atteint des sommets vertigineux, prouvant une fois encore qu’ils font partie des plus grands acteurs de leur époque.
Et le temps d’un film, Scott Cooper reprend le flambeau des Eastwood et autres Costner pour démontrer qu’il est digne des meilleurs. Multipliant les plans d’une immense beauté, le cinéaste prend son temps permettant ainsi notamment d’amplifier les affrontements sanguinaires qui jalonnent un récit proche du chant du cygne. L’atmosphère macabre, ce spleen infini qui gangrène les personnages, la mélancolie d’une époque qui s’achève avec un constat amer, tout concorde à faire de Hostiles une œuvre rare parvenant comme rarement à faire prendre conscience de notre propre mortalité. Du très, très grand cinéma !
Pourquoi il ne faut pas y aller ?
Vous êtes allergiques aux westerns ou à Christian Bale ? A part ça, on ne voit pas. Ah si, peut être que si vous ne supportez pas qu’une histoire prenne son temps pour faire monter la tension et les enjeux forts entre les personnages.
Battleship island de Ryoo Seung-wan avecHwang Jung-min, So Ji-sub, Kim Su-an, Song Joong-ki, Lee Jung-hyun (Corée du sud, Guerre, 2h12)
Pourquoi il faut y aller ?
La vitalité du cinéma coréen n’est plus à prouver depuis des années. Leurs films de genre se portent admirablement bien et des cinéastes majeurs sont désormais sur les lèvres de bon nombre de cinéphiles à commencer par Park Chan-wook (Old boy), Bong Joon-Ho (Memories of murder) ou encore Na Hong-Jin (The Strangers). Après Battleship island, on peut se poser la question si Ryoo Seung-wan ne va pas vite les rejoindre. Après quelques films qui ont fait le bonheur de festivals tout en ayant connu une certaine renommée en vidéo (City of violence, The Agent), le réalisateur passe à la vitesse bien supérieure avec ce récit historique guerrier à l’ampleur impressionnante.
Nous plongeant dans une île prison, Hashima, située à quelques kilomètres de Nagasaki, Ryoo Seung-wa raconte comment le Japon a utilisé pendant des années des prisonniers notamment coréens durant la seconde guerre mondiale pour exploiter les gisements d’houille. Avec sa kyrielle de personnages parfaitement caractérisés et facilement identifiables représentant chacun un archétype, Battleship island prend des allures d’épopée que n’aurait pas renier le Hollywood de La Grande évasion. Dans des décors monumentaux qu’une direction artistique incroyable magnifie à chaque instant, on se passionne pour des êtres de tout horizon qui vont bientôt faire cause commune pour tenter de s’évader. Une tâche presque impossible qui va permettre à Ryoo Seung-wan de nous livrer un dernier tiers de film monumental. Entre le Spielberg de Il faut sauver le soldat Ryan et l’ampleur stylistique d’un Sergio Leone, le cinéaste coréen orchestre une évasion-affrontement titanesque où l’action se multiplie aux quatre coins de l’île. De plans iconiques en séquences violentes chorégraphiées de manière magistrale, le spectateur assiste, ébahi, à une leçon de cinéma d’anthologie pour finir par verser une petite larme à l’occasion d’un final sobre et digne.
Pourquoi il ne faut pas y aller ?
Les intégristes historiques pesteront sur les libertés prises par le cinéaste qui invente donc cette grande évasion qui dans les faits n’a jamais eu lieu. Les réfractaires aux spectacles guerriers seront aussi susceptibles d’être mis totalement sur la touche dans le dernier tiers du film. Au contraire, l’aspect fresque et durée conséquente de l’œuvre (132 minutes) peuvent avoir raison de la patience de ceux qui sont venus avant tout pour l’affrontement que le titre et le récit laissent sous-entendre.
Publié le 14/03/2018 par Laurent Pécha