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Le cinéma de demain

Carne y arena, l'expérience poignante signée Iñárritu

Il y avait bien un événement incontournable au cours de cette 70ème édition du festival de Cannes et cela ne concernait pas un film. Le cinéma est presque déjà mort, vive la réalité virtuelle !

 Nous ne sommes pas prêts d'oublier ce que nous a proposé le réalisateur mexicain, Alejandro González Iñárritu (The Revenant, Birdman). Son expérience visuelle au sous-titre qui en dit long : « virtually present, physically invisible », s’appelle Carne y arena. Et c’est tout bonnement une date dans l’Histoire du 7ème art (si on peut englober l’expérience dans cet art-là).

A projet historique, dispositif exceptionnel. Peu ont eu finalement la chance de découvrir ce que le cinéaste et son fidèle chef opérateur, Emmanuel Lubezki, ont concocté. Il fallait effectivement s’armer de patience et espérer rester sur la liste des invités. Au final, seulement 500 personnes ont pu vivre l’expérience inédite. Des journalistes et des VIP (les membres du jury comme Will Smith ou Jessica Chastain, le réalisateur Guillermo del Toro ou encore la maman de Leonardo DiCaprio qui est passée juste avant nous).

carne y arena exposition

Il faut dire que le projet nécessite une infrastructure plus qu’imposante : un hangar à avion où l’immense décor a été installé. Et surtout, on ne peut vivre ce Carne  y arena qu’en solitaire. Il faut donc en moyenne une trentaine de minutes entre chaque participant.

Si l’expérience visuelle ne dépasse pas les 7 minutes, il y a tout un passage obligé qui la précède. On marche ainsi le long d’une reproduction du mur qui sépare les frontières mexicaine et américaine. On se retrouve à attendre de manière presque interminable dans un sas où l’on doit déposer nos chaussures. L’occasion de gamberger sur ce que l’on va vivre derrière la porte, d’autant que le sas en question est « décoré » par de vraies chaussures ayant appartenu à des migrants disparus au cours de leur tentative de traversée. Le retour à la normale à la fin de l’expérience se fait d'ailleurs via un long couloir où l’on peut découvrir les visages et les histoires bouleversantes qui ont servi d’inspiration au duo mexicain pour leur projet.

Une fois la lumière rouge allumée, on entre dans une immense pièce plongée dans le noir et dont le sol n’est que sable. Deux personnes nous attendent patiemment. Ils nous équipent d’un sac à dos et nous installent casques virtuel et sonore tout en nous avertissant qu’on ne peut pas courir et qu’ils tireront sur le sac si l’on s’approche trop près d’un des murs.  A peine l’avertissement énoncé que l’expérience débute.

Nous voilà plonger en plein milieu du désert mexicain. On ne sait où donner de la tête, on observe presque sans bouger tout ce qui nous entoure. On voit le sable sous nos pieds et on le sent tout comme le vent qui souffle sur notre visage. Il fait nuit et pas une âme à l’horizon. Puis, on entend des sons et l’on voit un groupe de mexicains composé d’hommes, femmes et enfants se diriger vers nous. On ne sait pas encore ce que l’on doit faire alors on se déplace timidement à leur rencontre, hésitant à interagir avec eux. On est alors simple spectateur de leur odyssée mais avec cette faculté de se mouvoir où bon nous semble. On se baisse doucement pour essayer de capter leurs regards, découvrir leurs expressions. C’est d’ailleurs la seule petite limite actuelle de l’expérience : un certain manque de définition et le fait que les personnages restent des modèles 3D à l'instar de ce que l’on peut voir dans les jeux vidéo).

Mais on n’a pas le temps d’aller plus loin car tout s’emballe. Le vrombissement d’un hélicoptère se fait entendre suivi de son apparition au-dessus de nos têtes, les jeeps de la police des frontières débarquent, les policiers sortent, armés, et somment les migrants d’obtempérer. La bascule commence à se faire pour nous. De simple spectateur, on commence à être impliqué, se demandant toujours dans un coin de la tête si  l’on peut avoir une influence sur les événements tragiques qui se déroulent sous nos yeux.  Voulant toucher un flic pour voir ce qui se passerait, on se retrouve alors plonger dans son corps, et l’on voit son cœur battant. Une vision totalement déconcertante et extrêmement dérangeante. On s’éloigne alors retrouvant notre place de témoin « privilégié » des brutalités subies par les migrants.

carne y arena expérience virtuelle bouleversante

S’en suit alors une vision poétique chère au réalisateur de The Revenant. Les policiers disparaissent subitement, laissant une famille de migrants autour d’une table en train de pleurer sur leur sort. On ne sait plus trop bien quoi penser, le temps se suspend quelques instants à l’image de cette flamme bleue incandescente qui vole dans le ciel. Le retour à la réalité est d’autant plus violent. Les policiers réapparaissent brutalement et se montrent nettement plus déterminés à faire appliquer la loi. Et ce coup-ci, nous sommes directement concernés. Un des agents s’adresse à nous et d’une voix lourde et vindicative nous ordonne de nous allonger avec les mains dans le dos. Il ne faut qu’une minuscule poignée de secondes pour obéir tant la vision de son fusil mitrailleur (ou à pompe, on ne sait plus trop sur le coup de l’émotion) et sa lampe torche dans notre direction ont semé le doute sur la frontière entre virtualité et réalité. D’un seul coup, l’expérience s’arrête nous laissant un genou à terre. Tout le monde disparaît et l’on se retrouve comme au début, seul, terriblement seul dans ce désert qui fait désormais un peu partie de nous. L’écran devient noir, Carne y arena prend fin.

Mais on a beau nous enlever notre appareillage, on y est toujours encore un peu. Il nous faudra plus d’une heure pour replonger dans notre réalité cannoise, complétement groggy par ce que l’on vient de vivre. Avec cette incroyable impression non pas d’avoir vécu une expérience de réalité virtuelle mais d’avoir assisté une toute autre réalité que la nôtre. Bouleversant !  

Publié le 12/06/2017 par Laurent Pécha

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